Deux châteaux en terre française, Jœuf et Brouchetière

Vue générale des châteaux vers 1914.

La genèse

Conséquence de l'annexion des usines de Hayange et Moyeuvre par l'Allemagne, la société des Petits-Fils de François de Wendel crée les Forges de Jœuf (ou Forges de Franchepré) en terre française (1880-1881). En raison du développement de cette usine au cours de la décennie suivante, Henri de Wendel (1804-1906) décide d'édifier un château à proximité des Forges. Les travaux commencent en 1894 et sont achevés en 1897. La demeure est située sur le territoire communal de Briey (lieudit Brouchetière), dans une presqu'île boisée, entourée par l'Orne et dominant les hauts fourneaux. Son implantation permet d'aller facilement de Joeuf à Hayange, par une route privée et quasi incontrôlable par les autorités allemandes. Par ailleurs, le château de Jœuf sert de pied à terre en Lorraine aux trois fils d'Henri, François, Humbert et Maurice, de nationalité française et interdits de séjour à Hayange.

Le château de Jœuf (appelé aussi château de Franchepré)

Pour construire le château de Jœuf, Henri De Wendel recourt aux services d'Albert Jasson (1849-1923), architecte de la ville de Nancy depuis 1881, "pur produit de l'école des beaux arts" et goûtant fort l'art classique. Selon les plans de Jasson, inspirés principalement de l'architecture du début XVIIe siècle, le château est un gigantesque bâtiment de deux étages, surmonté de hautes toitures à terrasses faîtières. A. Jasson ne parvenant pas à terminer le chantier, H. de Wendel fait appel à Pierre-Victor Cuvillier pour achever la construction. Celle-ci comporte 30 pièces et est assortie d'une chapelle consacrée pour les offices. Cachée au milieu d'un parc de plus de 100 hectares, la haute bâtisse constitue un appendice des forges qui lui fournissent électricité et eau chaude. Le château est d'abord occupé par Henri et ses fils, puis à partir de 1906, après son mariage, par le fils aîné François (1874-1949). Les cadets Humbert (1876-1954) et Maurice (1879-1961) y séjournent encore lors de leurs passages en Lorraine.

Salle à manger du château de Joeuf en 1917, durant son occupation par les Allemands.


Pendant la Première Guerre mondiale, le château est transformé en "Offiziergenesungsheim", maison de convalescence pour les officiers, par les occupants allemands. Entre les deux guerres, le bâtiment est entretenu mais n'est plus jamais habité de façon permanence, François de Wendel et son épouse résidant à Paris. Partiellement occupé au cours de la Seconde Guerre, il demeure ensuite inhabité jusqu'à sa cession à une association caritative au début des années 1980.

Château de Joeuf sous la neige en 1917 (cliché de source allemande).

Le château de Brouchetière

Après son mariage, en décembre 1905, avec Andrée des Monstiers-Mérinville (1886-1980), Maurice de Wendel fait construire le château de Brouchetière dans le parc, en contre-haut du château d'eau de style gothique alimentant le château paternel. Il fait également appel à Pierre-Victor Cuvillier dont la signature figure sur la première page du livre d'or de Brouchetière. Cette fois, Cuvillier est associé à Henri Choret architecte de St-Germain-en-Laye qui à la même époque, travaille déjà pour les Wendel : plan des bâtiments du carreau Simon à Forbach et grands bureaux à Hayange.
Sous leur conduite, les travaux de Brouchetière durent de 1906 à 1908. De style analogue, l'édifice est de proportions plus modestes que le château d'Henri. À part pendant les deux guerres, où il connaît les mêmes vicissitudes que celui de Jœuf, le château de Brouchetière est habité en permanence par Maurice de Wendel, son épouse et leurs quatre filles. Veuve depuis 1961, Mme Maurice de Wendel, dont le souhait était de rester dans les mémoires "la dame de Jœuf" s'éteint à Brouchetière dans la nuit du 14 mars 1980, à l'âge de 94 ans.

Aujourd'hui, un patrimoine privé

Dans les années qui suivent, lors du règlement des diverse successions, les deux châteaux, l'ensemble du parc et des dépendances (écuries, maisons du concierge et du garde-chasse, serres et orangeraie) sont cédés à une association caritative qui les mettra en vente au début des années 90. Ce patrimoine de l'histoire industrielle de la Lorraine appartient aujourd'hui au domaine privé.

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® C.P.H.J. - Janvier 2011