Histoire des noms de rues de JŒUF :

Les Saints patrons de Génibois

Dans la cité de Génibois au début du XXe siècle.

Offerte par la baronne de Gargan en 1888, la statue de la Vierge regarde l'avenue Sainte-Alice et tourne le dos à l'avenue Saint Théodore ; elle sera déplacée devant la nouvelle église en 1911.

A JŒUF, les noms des rues n'ont guère plus d'un siècle

Lieux-dits ancestraux ou activités d'autrefois, personnages historiques ou figures locales, les noms de rues conservent souvent mystères et curiosités, liés au choix de leur appellation. Éclairée par les archives anciennes, l'histoire de la dénomination des artères de la cité nous dévoile une image -certes incomplète- mais intéressante du passé de Jœuf.
A la fin du XXe siècle, la guerre franco-allemande de 1870-1871 entraîne un éveil brutal et modifie la destinée du petit village qui devient frontalier. Elle oblige les maîtres de forges, Henri et Robert de Wendel, annexés à Hayange et Moyeuvre, à créer en 1880 une nouvelle usine à Jœuf, afin de récupérer le marché français. Les Forges de Franchepré doivent produire des rails en acier, grâce au procédé Gilchrist-Thomas que les Wendel viennent d'acquérir. La mise à feu d'un premier haut fourneau, le 11 mai 1882, donne un élan irrésistible : la commune subit une métamorphose très rapide ; le Jœuf moderne s'élabore à un rythme effréné, dicté par l'essor de l'usine.

Dès l'implantation des Forges, MM. De Wendel décident de construire une vaste cité ouvrière sur les terrains du "Haut de Génibois". Dans ce quartier, conçu selon un plan géométrique avec des rues se croisant à angle droit, la voirie demeure entièrement privée ; assez "pompeusement" baptisées avenues, les artères desservant des blocs allongés de huit logements portent les premières appellations officielles du ban communal, utilisées par toutes les administrations. Respectant à l'époque la hiérarchie au sein de la famille des patrons, chaque nom d'avenue est soigneusement attribué ! D'abord, le "triumvirat" des gérants de la Société Wendel et Compagnie occupe le cœur de la cité de Génibois : l'artère centrale s'appelle avenue Saint-Théodore, en l'honneur du saint patron du baron de Gargan, principal artisan de la fondation des forges et de la cité ouvrière ; elle est flanquée de part et d'autre, des avenues Saint-Robert et Saint-Henri, prénoms des chefs de la famille.
Une route transversale, l'avenue Saint-Maurice (en hommage à Maurice de Coëtlosquet, oncle des Wendel et père de l'un des principaux actionnaires de l'usine de Jœuf), sépare les trois rues précédentes de leurs prolongements qui adoptent le "parrainage" des épouses des gérants : l'avenue Sainte-Alice (d'Alice Espivent de la Villeboisnet, baronne de Gargan) fait face à l'avenue Saint-Théodore ; l'avenue Sainte-Berthe ( de Berthe de Corbel de Vaulserre, épouse de Wendel) prolonge l'avenue Saint-Henri tandis que l'avenue Sainte-Consuelo (de Consuelo Manuel, épouse de Wendel) continue l'avenue Saint-Robert. Aujourd'hui encore, quelques murs de la cité conservent la trace de l'inscription originelle, réalisée à la peinture noire dans un cartouche rectangulaire sur fond blanc.
Pendant ce temps, le village "se contente" de numéroter de 1 à 3 les chemins vicinaux qui mènent respectivement à Homécourt, vers le moulin de Ravenne et vers la ferme de Franchepré. Mais, en trente années à peine, le village - qui compte 236 âmes en 1870 - se métamorphose en une cité sidérurgique et minière de plus de 5000 habitants. Il faut pourtant attendre le nouveau siècle pour que l'explosion urbaine engendrée par l'essor industriel oblige les édiles joviciens à "baptiser" les divers tronçons de la voirie communale.
Le 24 juin 1901, sous la présidence du maire Henri Wayant, onze conseillers municipaux (sur 21 élus)adoptent la dénomination officielle des huit premières rues. Cette décision doit notablement améliorer les relations entre les habitants… Mais la pose de plaques indicatrices et le numérotage des maisons constitue d'abord une bénédiction pour Charles Logut, unique facteur de la ville ! Une délibération de1903 montre bien que, dans une cité très cosmopolite, ce poste de préposé n'est pas une sinécure : "La distribution est très pénible par suite de la disposition des habitations à Génibois et surtout par la difficulté à lire les adresses des destinataires presque tous étrangers, avec des noms compliqués à déchiffrer et impossible à retenir(…)"

 

Vue générale des Cités de Génibois, avec au premier plan, la rue St Alice.

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© C.P.H.J. - Novembre 2004