Dans
l'urgence, le 24 juin 1901, les responsables municipaux "baptisent"
enfin les huit premières rues de Juf. Il n'est que temps
: depuis 20 années, le territoire communal est un chantier perpétuel
! A Juf, trois univers, trois tempéraments, trois modes
de vie cohabitent et, parfois, s'affrontent. Tandis que, dans la mairie
exiguë du vieux village, les édiles se trouvent réunis
autour d'H. Wayant, ces trois mondes restent bien séparés
sur le ban jovicien, comme sur les documents officiels qui, le plus
souvent, distinguent le Centre et les écarts ("banlieues").
Alors que le village concentre toujours les fonctions administratives
et religieuses et conserve les vestiges de l'activité agricole,
la cité de Génibois est un quartier dortoir tourné
vers l'Usine, uniquement animé par les écoles De Wendel.
Enfin, Franchepré "se spécialise" dans
le commerce (alimentation et textiles) et dans les loisirs, proposés
par les nombreux cafés et cabarets.
De fait, l'histoire urbaine de la ville se résume en une quête
ininterrompue de l'unification de ces trois "pôles".
Mais, résultant d'intérêts souvent divergents, l'extension
de l'espace bâti découle d'un subtil rapport de forces
entre des maîtres de forges qui planifient la construction de
logements ouvriers et souhaitent accaparer l'essentiel du domaine foncier,
des propriétaires ruraux qui entendent céder au prix fort
leurs terres agricoles, afin de réinvestir leur patrimoine dans
la construction d'immeubles de rapport, et enfin des commerçants
et artisans, bien décidés à se tailler une part
de la prospérité économique et qui recherchent
l'emplacement idéal pour réaliser leurs affaires.
Au centre de ce "tourbillon", les responsables municipaux
sont aux premières loges
pour subir autant que pour diriger
cette transformation. En réalité, ils s'adaptent aux événements
plus qu'ils ne les provoquent ou les organisent. Ce constat nous ramène
aux trois dernières rues dénommées en juin 1901.
"Le chemin vicinal n°4 : Rue des
Cités DE WENDEL". Cette nouvelle voie a été
créée en 1894. Dès 1891, MM. De Wendel proposent
à la commune de relier directement la Cité Haute (et donc
le chef-lieu) à Génibois. La Société prend
en charge l'acquisition des terrains ainsi que la construction de la
route qui est finalement prolongée jusqu'à la départementale.
Un premier immeuble y est édifié en 1898 ; deux autres
constructions suivent peu après, et l'appellation Rue des Trois
Maisons précède le nom officiel, justifié par le
rôle de liaison entre les diverses cités patronales. Très
vite, les Transalpins sont largement majoritaires (83%) dans ce nouveau
quartier. La "rue des Cités" "disparaît"
le 17 décembre 1937 lorsque, en hommage au maire qui dirigea
la commune de 1904 à 1921, elle est rebaptisée Rue
Eugène Bastien.
"Le chemin 74 jusqu'à la départementale,
anciennement Boulevard des Italiens : Rue Pierre de Bar".
Pour ce chemin qui serpente à travers friches et cultures au
lieu-dit "Côte de Tréchinville", l'évolution
s'avère brutale et extraordinaire. En 1897, alors que la Société
Vezin-Aulnoye démarre la construction de l'usine d'Homécourt,
le chemin est dévié et acquiert son tracé actuel
du Bon Coin au carrefour dit des Quatre Coins. Immédiatement
, deux univers se construisent face à face ! Les patrons de l'usine
bâtissent une série de 12 logements pour leurs employés
; de l'autre côté de la chaussée, jaillissent de
façon quasi spontanée des baraques en planches, cafés
et cantines surpeuplées où logent maçons et terrassiers
italiens embauchés sur le chantier de l'usine. Les Joviciens
s'adaptent et baptisent la route : "Boulevard des Italiens"
! Au crépuscule du siècle, le Boulevard devient un haut
lieu de l'immigration, un monde coloré, complètement original
par sa langue, ses murs et son architecture. Mais, préférant
puiser dans l'histoire et les légendes locales, les élus
décident de gommer la dénomination usuelle et retiennent
une partie du lieu-dit cadastral où la rue aboutit :"Le
Saut de Pierre de Bar".
"La départementale, de la Croix
de Franchepré au Bon Coin : Rue de Franchepré ".
Un article spécifique permettra la visite de cette longue et
importante artère de la cité.