Historique des noms des rues de JŒUF :

A la Croix de Franchepré

 

A la Croix de Franchepré et ses cafés (cliché avant 1903) ; les douaniers posent au milieu des attelages, au point de départ de la rue la plus animée de la cité.

A La Croix de Franchepré, une frontière animée par les cafés et les douaniers

En 1901, lorsque les édiles dénomment officiellement Rue de Franchepré le tronçon de la départementale situé entre les Forges De Wendel et le Bon Coin (limite avec Homécourt), cette artère compte déjà 103 maisons et héberge plus d'un millier d'habitants. En l'espace de vingt années, elle s'est métamorphosée en un pôle économique et commercial, vital pour la commune : une destinée inattendue pour une modeste route édifiée entre 1832 et 1841 et devenue un cul-de-sac depuis l'annexion en 1871 ! Jusqu'en 1880, non pavée, large de 8 mètres environ, la chaussée entre sur le ban jovicien à la Croix de Franchepré ; elle parcourt ensuite successivement les lieux-dits "Au Sa, Champ Chardon, Haut Goprès et Côte des Chartreux", quittant le sol jovicien à la "Côte de Tréchinville".
Et la rue de Franchepré naît de l'usine ! Avec le démarrage du chantier des Forges et la construction d'un pont sur l'Orne (à proximité du gué menant à la ferme de Franchepré), les premières maisons "poussent" en bordure de la départementale. Près du poteau frontière où trône l'aigle impériale, la Croix de Franchepré connaît une animation qui va aller crescendo jusqu'à la Grande Guerre.
Dès l'été 1881, alors que les bâtisseurs logent encore sur le site de la future usine, dans des baraques installées au pied des structures des hauts fourneaux, à un jet de pierre sur l'autre rive de la rivière, deux immeubles sortent de terre ! Le premier bâtiment en dur est le cabaret ouvert par François Henry et son gendre François Husson ; le linteau surplombant la porte d'entrée arbore le millésime 1881. Effectivement ouvert en juin 1881, ce premier débit de boissons accueille les ouvriers occupés à construire l'usine et ceux qui vont travailler aux forges de Moyeuvre. Le cabaret se transforme assez vite en Hôtel de la Croix de Franchepré (ancienne bibliothèque municipale).
En octobre 1881, une vingtaine de mètres plus haut, Alexandre Renac édifie une maison en planches et devient le second cafetier de Franchepré ; les affaires s'avérant florissantes, un immeuble en dur remplace rapidement la baraque provisoire dès 1884. Les cabaretiers exercent aussi l'activité de logeur ; en 1896, la maison Renac abrite les pionniers de l'immigration italienne à Jœuf, des terrassiers attirés par les travaux d'extension de l'usine. En décembre 1900, les époux Heller prennent le café en gérance ; ils achètent la maison en 1906, l'agrandissent et transforment le modeste débit en un établissement "chic" à l'enseigne de "la Croix de Lorraine" (aujourd'hui bar le faubourg).
Le troisième débit, également installé à la hâte dans une baraque en planches, est inauguré par Marie Barandon, le 27 juillet 1882. Cette dernière cède sa place derrière le comptoir aux époux Lefèvre-Bilquard qui construisent un immeuble en dur en 1888, date figurant sur le linteau du "Café de la frontière" (premier débit installé sur le côté droit de la route).
Le 14 août 1882, Nicolas Nicolas ouvre un nouveau café, dix mètres au-dessus de chez Renac (actuellement garage Renault). Aiguillonnés par le démarrage de la production aux Forges et par la création du quartier de Génibois, les aubergistes "montent à l'assaut" de la future rue de Franchepré. A la frontière, l'animation et le passage deviennent tels que la présence d'une brigade de douaniers s'impose. Construite par MM. De Wendel en 1884, la Maison des douanes est louée à l'administration ; le receveur et les 5 premiers douaniers y emménagent dès l'année suivante.
Dès lors, l'"annexe" de Franchepré s'étoffe rapidement, les espaces encore vides se comblent : 310 habitants occupent 19 immeubles en 1891 ; 39 maisons abritent 732 âmes en 1896. La location de logements ou de garnis pour célibataires devient une activité très lucrative et complémentaire des divers négoces qui s'installent au plus près de la clientèle de Génibois. A l'approche du XXe siècle, les caractères urbains s'affirment : après un échec en 1893, commune et département s'accordent en 1899 pour paver la chaussée et établir des trottoirs ; le printemps 1900 y voit fleurir les premières bornes fontaines, augurant de l'adduction en eau pour toute la cité. La Belle Époque de Franchepré est proche !

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© C.P.H.J. - Avril 2005