Historique des noms des rues de JŒUF :

La rue du Sâ et la rue d'Arly

A droite la dernière maison de la rue du Sâ et au premier plan les travaux d'aménagements d'un quai de chargement pour les Forges De Wendel. (juillet 1913)

Rue du Sâ et rue d'Arly : Deux autres petites "Italie"

Proche de la rue de Franchepré, les deux dernières rues baptisées le 19 février 1906 sont des impasses, nées de l'initiative privée. "Le chemin particulier de Pierre Combaudon : Rue d'Arly". Au lieu-dit "Les Champs Chardon", sur un petit chemin menant aux bois de "La Côte d'Arly", l'entrepreneur Combaudon édifie, en 1898, trois maisons de type "cité". Différentes du modèle de la Maison De Wendel, les bâtisses à un étage se caractérisent par leurs ouvertures encadrées de briques rouges. Dès 1901, une population majoritairement italienne loge dans ces habitations, terrassiers et maçons employés par l'entrepreneur en bâtiment. En 1906, deux autres unités sont en construction : il est temps de dénommer le chemin. L'italianité des lieux est confirmée : sur 79 individus recensés, 9 Français cohabitent avec 64 Transalpins, largement majoritaires parmi les étrangers. Et l'urbanisation se poursuit : un peu plus loin, en 1907, le maréchal ferrant Adrien Strasser fait édifier deux maisons. Enfin en 1912, de gros immeubles de deux étages à usage locatif bordent l'extrémité de la rue. A cette date, les Italiens représentent toujours 82% des habitants. Mais l'extension doit s'arrêter là ! En février 1907, en effet, MM. De Wendel ont acquis toute la parcelle de la Côte d'Arly afin de pouvoir établir un raccordement ferroviaire entre les Forges et le terminus de la gare d'Homécourt. "Le chemin particulier de Julien Nicolas : Rue du Sa". Chemin en cul-de-sac ouvrant sur la route départementale, la rue emprunte son nom au vaste lieu-dit cadastral, bordant la partie est du ban communal. Ce sont des parcelles de bonnes terres labourables, situées de part et d'autre de la départementale. L'étymologie du nom Sa reste obscure ! Nom de la petite rigole qui dévale la côte d'Arly et parcourt cette section avant de se jeter dans le ruisseau d'Arly ou autre origine? On peut remarquer que sur les plus anciens documents cadastraux datant de 1807, le mot Sa ne comporte pas l'accent circonflexe, ajouté par la suite et devenu "officiel" aujourd'hui. La naissance de la rue relève d'une véritable opération immobilière menée par Julien Nicolas (restaurateur, puis transporteur) sur des terrains acquis à son arrivée à Jœuf, en 1883 au début de l'essor industriel. Promoteur entreprenant, il viabilise le chemin pour donner une plus-value aux parcelles qu'il met en vente. Lotisseur avisé, en 1905, il négocie avec la commune l'adduction d'eau pour ses clients bâtisseurs ; l'histoire nous apprend qu'il est particulièrement qualifié pour ces démarches…en tant que second adjoint au maire, ayant, depuis juillet 1904, délégation de pouvoir pour tout ce qui concerne l'étude et la surveillance des travaux. En échange de la récupération du coût d'installation de la conduite d'eau, il s'engage à céder gracieusement la voirie, dès qu'il y aura 5 concessionnaires. Ces conditions sont largement remplies en 1907 (avec 14 branchements). Contrairement à une idée reçue, la rue du Sâ ne connaît pas la construction de baraques-cantines italiennes. Les clients de J. Nicolas sont des ouvriers des Forges ou des particuliers souhaitant investir dans l'immobilier locatif. Aussitôt le terrain acquis, MM. Barret, Martinois, Royer, Noël, Villain et Perlini (seul transalpin constructeur) font édifier, par les entrepreneurs locaux, des immeubles en dur, comportant au moins des combles mansardés ou parfois un second étage. La rue devient le royaume du "garni", de la sous-location et de la pension chez l'habitant ; elle est souvent un point de passage providentiel pour l'immigré italien, qui trouve gîte et couvert chez un "pays". La petite "Italie" connaît un entassement impressionnant ! En 1906, 10 maisons abritent 33 ménages totalisant 276 personnes et 222 Italiens. Dans des logements de 2 à 4 pièces vivent parfois 15à 25 individus, dont les 4/5 sont des pensionnaires célibataires, employés dans les mines, les usines ou par les entrepreneurs de travaux publics. La situation reste identique en 1911 : 568 habitants dans 16 maisons et toujours 420 Italiens pour 53 Français. Entre 1908 et 1912, la rue se pare de 4 cafés…italiens, qui sont aussi des pensions : Café du Bois( chez Scopel), Café de la Tripolitaine (Tanzi), Café Bresciano (Silistrini) et Café Turrin. Au lendemain de la Grande Guerre, avec la seconde grande vague d'émigration, l'italianisation de la rue devient quasi absolue : 424 Transalpins sur 463 habitants. Pour longtemps, la rue du Sâ reste un bel exemple de creuset migratoire "à la jovicienne" ainsi qu'un haut lieu de l'épopée sociale de la cité.

 

Panorama de la rue du Sâ en juillet 1913 ; à droite, les travaux d'aménagements du chemin d'accès au futur quai de chargement pour les Forges De Wendel.

[Retour]


© C.P.H.J. - Septembre 2005