Avant
l'industrialisation
Carte de la Moselle en
1870
Lorsqu'en 1790,
la Constituante crée les départements, la moyenne vallée
de l'Orne est incluse dans le département de la Moselle, arrondissement
de Briey. Pendant toute la première moitié du XIXe siècle,
Juf reste un hameau d'environ 200 âmes, vivant dans une
quarantaine de maisons blotties autour de la modeste église
Ste-Croix (lieu-dit Sous le Moutier) Le site précis du village
(type village-tas, commun en Lorraine) est un petit éperon
rocheux dominant un coude de l'Orne (rivière pouvant être
franchie par une simple passerelle, submersible aux mauvaises saisons).
La commune compte également 2 écarts : le moulin de
Ravenne, en aval du chef-lieu, et la ferme de Franchepré, à
l'extrémité Est du ban communal.
Le territoire apparaît très morcelé : champs étirés
en lanières dévolus à la polyculture ; les plus
grandes parcelles sont les prairies établies sur les zones
humides et les forêts couvrant les secteurs plus pentus de la
vallée ainsi qu'un plateau situé au nord du ban communal.
Plus petit village du canton, Juf est une sorte de "bout
du monde" qui traverse la plus grande partie du XIXe siècle
dans la routine et la somnolence.
Plan de Juf en 1880
La guerre franco-allemande de 1870-1871 constitue un éveil
brutal et modifie la destinée du village. Après la défaite,
Juf devient une commune frontalière avec l'Allemagne
et appartient au nouveau département de Meurthe-et-Moselle,
né des circonstances. La première des conséquences
est un afflux de réfugiés annexés qui ne souhaitent
pas devenir sujets du Kaiser. En 3 années, la population est
multipliée par 3; elle est totalement renouvelée ! Pour
loger les forgerons, mineurs et puddleurs de Moyeuvre et de Jamailles,
des baraques sortent de terre ; les Cités-Hautes sont les premières
et modestes cités ouvrières édifiées à
proximité du village (au lieu-dit Les Grandes Friches).
L'implantation
des Forges
Dès lors,
l'église, l'école, les chemins champêtres paraissent
déjà étriqués, inadaptés : le village
est vite à l'étroit ! D'autant qu'en 1880, une bonne
fée se penche sur le berceau de la commune. Annexés
à Moyeuvre et Hayange, les maîtres de forges Henri et
Robert DE WENDEL et le baron Théodore de GARGAN décident
de créer une nouvelle usine en France, pour survivre, récupérer
le marché français et produire de l'acier grâce
au procédé Gilchrist-Thomas qu'ils viennent d'acquérir.
Le site est choisi dès 1874 ; ce sera à Juf, sur
les prairies de Franchepré en bordure de l'Orne, le plus près
possible du minerai de Moyeuvre !
Le premier coup de pioche est donné fin mai 1880; le 11 mai
1882, c'est la mise à feu d'un premier haut fourneau; l'aciérie
souffle sa première charge dès le 9 décembre
de la même année ; les Forges laminent leurs premiers
rails l'année suivante. Un élan irrésistible
est donné, la commune subit une métamorphose brutale;
le Juf moderne s'élabore à un rythme effréné,
dicté par l'essor de l'usine.

Les
conséquences démographiques et urbaines
En peu de temps,
le paysage agreste est bouleversé ! Après l'usine, des
cités ouvrières, des commerces et de nouvelles routes
sortent de terre ; la commune devient un chantier perpétuel.
Un essor démographique sans précédent accompagne
le développement industriel. La population triple à
peu près tous les 10 ans (573 habitants en 1876 ; 1930 en1886
; 5304 en 1901) ; elle atteint les 11000 âmes en 1914.

À côté du vieux centre qui perd assez rapidement
ses attributs ruraux, se construisent deux autres pôles d'habitation
: la cité ouvrière de Génibois, bâtie par
les patrons des Forges, et le quartier de Franchepré, des maisons,
des commerces et des débits de boissons qui s'édifient
de part et d'autre de la route départementale n° 11, à
partir du portail de l'usine. En fait, l'histoire urbaine de la ville
se résume en une quête ininterrompue de l'unification
de ces trois "espaces".

En une génération,
le petit village se métamorphose en une cité industrielle
animée et cosmopolite, qui est donc à la recherche d'une
hypothétique unité spatiale et sociologique. Période
quasi mythique, les années 1880 à 1914 constituent les
"Trente Glorieuses" qui voient la croissance rapide
et désordonnée d'une ville dont le présent et
l'avenir sont inextricablement associés à son usine.
Pour autant, résultante d'intérêts souvent divergents,
l'extension urbaine découle d'un subtil rapport de forces entre
:
- les maîtres
de forges qui planifient la construction de logements ouvriers et
souhaitent accaparer l'essentiel du domaine foncier,
- les propriétaires ruraux qui veulent céder leurs terres
agricoles au prix fort et réinvestir leur patrimoine dans la
construction d'immeubles de rapport,
- les commerçants et artisans qui sont décidés
à se tailler une part de la prospérité économique
et qui recherchent l'emplacement idéal pour réaliser
leurs affaires.
Au milieu de ce
tourbillon, les responsables municipaux sont aux premières
loges, pour subir autant que pour diriger cette transformation. En
fait, ils s'adaptent aux événements plus qu'ils ne les
provoquent ou les organisent. Cette époque reste une page primordiale
de l'histoire de la cité, véritable "Âge
d'or" qui fixe le paysage urbain jusqu'à aujourd'hui
(plan, rues et édifices), qui met en place les structures sociales
de la cité et façonne les mentalités collectives.
Chronologie
des constructions de Joeuf
Le
démarrage de l'extraction minière dans la vallée
En 1898, l'activité
d'extraction minière s'ajoute à celle des Forges, sur
le site du Grand Fond (territoire de Briey). Dans le même temps,
le "séisme" de l'industrialisation touche
les villages voisins. Avec un décalage d'une quinzaine d'années,
Homécourt et Auboué reproduisent la métamorphose
initiée à Juf. Conséquence de ces "répliques"
en amont, la moyenne vallée de l'Orne devient une véritable
"rue d'usines", tandis que le plateau voisin se hérisse
de chevalements de mines.
A Homécourt, la Société Vezin-Aulnoye démarre
l'exploitation de 2 concessions : celle du Fond de la Noue qui s'étend
principalement sous le territoire communal de Juf et celle de
Haut des Tappes. La construction d'un grand ensemble sidérurgique
sur le plateau limitrophe du Haut des Tappes (les bâtiments
administratifs sont implantés sur le sol jovicien) accroît
encore l'arrivée de main-d'uvre -italienne principalement-
et entraîne une extension urbaine supplémentaire à
proximité de la nouvelle usine. En l'espace d'une décennie,
les lieux-dits Côte de Tréchinville, La Taye le Noir
et La Louvière se couvrent de constructions assez disparates
: logements de cadres et d'employés édifiés par
Vezin-Aulnoye, baraques en bois de cantiniers italiens, et immeubles
plus cossus construits par des commerçants et des cafetiers.

La cité jovicienne est devenue un creuset de nationalités
au sein duquel la culture transalpine est fortement présente.
Une telle juxtaposition de civilisations ne pouvait se produire sans
quelques remous et frictions diverses; cette épopée
originale, l'intégration rapide des Italiens et de leur culture
constituent un chapitre essentiel et éminemment passionnant
de l'histoire de la ville : elle a également laissé
une empreinte spécifique dans le patrimoine architectural de
la cité.

Une deuxième
phase de conquête urbaine après la Grande Guerre
Le patrimoine
bâti de la cité ne souffre pas beaucoup au cours du premier
conflit mondial. En 1919, vingt maisons sont recensées "entièrement
détruites" (surtout des bâtiments en bois).
Plutôt que de destructions, il faut parler de dégradation
générale des immeubles, laissés sans entretien
ou occupés par la troupe allemande pendant 52 mois.
La reconstruction et la modernisation des Forges sont achevées
en 1923. Ce second élan industriel s'accompagne d'une reprise
de l'extension urbaine, elle-même liée à un net
redressement démographique. La maison de Wendel donne le coup
d'envoi des nouvelles constructions. Il s'agit de reconstruire "en
dur" les baraques des Cités Hautes démontées
à la fin de la guerre : 43 logements sortent de terre en 1920/21.

La conquête des espaces vides reprend en divers points du ban
communal. De 1921 à 1926, l'Usine achève, au lieu-dit
Ventre des grenouilles, le quartier de cités pour ouvriers
et employés (chantier interrompu par la guerre). Ce quartier
des Maréchaux (dénommé également "les
chalets", à cause de l'architecture particulière
des maisons) est prolongé, au nord-est, par une dizaine de
"bandes" de logements de 2 et 3 pièces implantées
au lieu-dit Devant le Moulin, le long de la rue de Ravenne. Majoritairement
attribuées à des familles italiennes, ces dernières
habitations se rapprochent assez imprudemment des bords de la rivière
; mais le territoire communal est si exigu !
Fait nouveau de l'Après-guerre, MM. DE WENDEL se voient contraints,
tant par la conjoncture économique que par la composition différente
de la main-d'uvre qu'ils emploient, de loger les familles de
leurs ouvriers étrangers. Ainsi, poursuivant la rue de Goprez
créée de 1907 à 1910, les responsables des Forges
édifient, en 1927, un groupe de logements, baptisé "Cantine
polonaise", en raison de la nationalité des premières
familles qui y pendent la crémaillère.

A l'ouest du ban communal, sur la rue Pierre de Bar, la Marine d'Homécourt
construit également un groupe de maisons jumelées pour
y loger 68 familles de leur usine ; ce quartier Grandes Friches abrite
270 personnes en 1930.
Enfin, à partir d'avril de la même année, les terrassiers
et les maçons conquièrent un nouveau secteur de l'espace
non bâti : sur les lieux-dits Grandes friches et Goprez, sortent
de terre les premières maisons de la future rue Clémenceau.
En dehors des aménagements de quelques commerces, l'initiative
privée reste quasi inexistante au cours de cette période.
Seule exception, profitant de la loi Loucheur votée en juin 1928,
une dizaine de particuliers accèdent à la propriété
et emménagent dans leurs pavillons dits "Habitations
à bon marché", qui viennent orner le pourtour
de la place de la Mairie ou qui sont édifiés en bordure
de la rue de l'Hôtel-de-Ville.
De la crise à
la guerre, une pause imposée
Avec la grande dépression
économique des années trente qui s'accompagne d'une notable
"décrue" démographique, l'extension de
la cité n'est guère à l'ordre du jour. Tandis que
l'initiative privée demeure anecdotique, les rares nouveautés
urbaines concernent surtout des édifices publics (concrétisation
du projet ancien de gare, agrandissement de l'église Ste-Croix,
édification d'un nouvel Hôtel des Postes). Cette pause
est mise à profit par les édiles, pour élaborer
un Plan d'embellissement de la ville qui prévoit les extensions
futures -les structures des voiries à créer-, tout en
tablant sur la poursuite de l'investissement des Forges pour édifier
les immeubles. Mesure d'adaptation au marasme industriel persistant,
l'Usine diminue très notablement les constructions de logements
ouvriers au cours des années qui précèdent la Seconde
Guerre mondiale.
Globalement, une fois encore, en dépit de bombardements et de
dynamitages d'ouvrages de communications (ponts), le patrimoine immobilier
échappe à des destructions irrémédiables
au cours de la guerre. Mais aux Forges, la situation est autrement préoccupante
! Usine "morte" depuis juin 1940, l'outil industriel
demeure toujours inerte, près de 18 mois après la Libération.
En mars 1946, les responsables des Forges attendent toujours la restitution
du matériel électrique démantelé pendant
le conflit, pour qu'enfin la boucle de l'Orne sorte d'un silence pesant,
synonyme de marasme social et de stagnation urbaine.
Et, revivre dans la paix n'est pas simple ! Dès juin 1945, les
nouveaux élus ont adopté un ambitieux programme d'urbanisme
comportant notamment la construction d'écoles, de bâtiments
pour instituteurs, la création d'un stade et d'une piscine couverte
..tout en émettant le vu que l'aide de l'État permettra
la concrétisation et donnera du travail aux chômeurs. Pourtant,
les 5 premières années de paix ne connaissent pas d'essor
urbain significatif. Il s'agit d'abord de réparer les 250 immeubles
endommagés au cours du conflit. Pour les finances communales,
outre les travaux à effectuer à l'église, au presbytère
et à l'abattoir, avec le réseau électrique entièrement
à reconstituer et la voirie qui a beaucoup souffert du manque
d'entretien, l'addition est lourde. Du côté des Forges,
ce n'est qu'après un redémarrage significatif de la production
que la construction de logements s'avère à nouveau nécessaire.
La seule extension notable à signaler est, en1948/49, la réalisation
de 24 logements -en chalets jumelés- en continuation de la rue
Clémenceau ; cette nouvelle artère est dénommée
avenue Chanoine Dellwall, en hommage au curé de Ste-Croix, mort
en déportation.
Les années
cinquante et soixante : vaincre la crise du logement !
Dès
le lendemain de la guerre, les couples joviciens participent allègrement
au baby-boom national ! Cet élan nataliste perdure tout au long
d'une décennie qui enregistre également l'accueil d'une
troisième et importante vague migratoire. Avec 11034 habitants,
le recensement de 1954 enregistre un niveau record ; ce summum sera
dépassé dès 1962 : la population culmine à
12606 âmes ; elle approche vraisemblablement des 14000 habitants
vers 1966, avant de retomber à 12274 au dénombrement officiel
de 1968. Poussée par l'évolution technologique, l'activité
des Forges connaît une ère durable de modernisation et
atteint son zénith. L'implantation, en 1955, d'un train continu
à fil puissant et moderne, et la réalisation, entre 1957
et 1964, d'une nouvelle division de hauts fourneaux à grande
capacité, constituent les faits notables de cette phase favorable,
marquée par le plein emploi et consacrant la prospérité
de la cité et de ses habitants.

Le
nouveau train continu à Fil
Ce troisième -et dernier - "âge d'or"
industriel et la démographie galopante s'accompagnent infailliblement
d'un crucial besoin de logements. Dès 1951, il est temps de mettre
en uvre les projets élaborés quelque temps plus
tôt. Entre 1951 et 1955, cinq opérations de lotissements
ou de constructions d'immeubles sont lancées ; d'autres projets
très importants sont programmés. Pour affronter la crise
du logement chronique, le parc de logements passe de 2769 en 1946 à
près de 3300 en 1962, lorsque le quartier du Bois d'Arly est
achevé.
Au cours de cette période marquante d'essor urbain, se comblent
les derniers espaces vides entre les trois principaux quartiers nés
de l'industrialisation. L'unité spatiale de la cité est
enfin concrétisée !

Le
lotissement "Mon Logis"
Fait nouveau et original, si elle continue à construire des maisons
pour cadres et ingénieurs (rues sur Eustache, rue Pasteur,
milieu de Franchepré), ainsi que des immeubles collectifs (blocs
St-Charles, de Goprez et Val de Ravenne), la maison de Wendel, principale
détentrice du patrimoine foncier, n'est plus en première
ligne pour la construction de logements. Sur l'initiative de la municipalité
qui acquiert les terrains, en assure la viabilisation puis les cède
avantageusement à des candidats à la construction regroupés
en "Sociétés civiles immobilières",
les réalisations relèvent d'abord d'une démarche
d'accession à la propriété par des familles ouvrières
: lotissement "Ma Villa", rue de Ravenne et rue Pasteur
; lotissements Nouvelles Friches et du Crombillon ; immeubles "Mon
Logis".
Aménagé entre 1959 et 1962, avec ses 251 logements, le
lotissement du Bois d'Arly constitue le point d'orgue de l'expansion
urbaine de la cité. Restant le symbole de l'extraordinaire vitalité
démographique de cette période "euphorique",
ce quartier neuf reflète en outre une page marquante de l'histoire
sociale jovicienne. Dans les maisons groupées par bandes de 4,
maisons jumelées ou individuelles qui s'étagent au flanc
de la côte, ou dans les immeubles collectifs, la propriété
reproduit assez fidèlement la hiérarchie salariale au
sein des ouvriers et employés des usines ; par ailleurs, il accueille
de nombreux foyers originaires de l'Italie du Sud, représentants
de l'ultime composante transalpine du creuset jovicien.

Le
nouveau quartier d'Arly (vers 1960)
Mais,
en cette période 1961/65, le problème de logement concerne
aussi des couches de la population, autres que les ouvriers et employés
pris en charge par les usines ou devenus propriétaires. Les fonctionnaires
d'Etat ou communaux, les employés du petit commerce ou de l'artisanat
aspirent également à se loger dans des conditions correspondant
au confort moderne. Par ailleurs, s'annoncent les premières classes
issues du baby-boom, arrivant à l'âge de fonder une famille.

Plan
de Joeuf - 1963 (in bulletin municipal)
Avec la décennie soixante, les édiles inaugurent une nouvelle
formule. La réalisation de nouveaux logements est, à présent,
confiée à l'Office départemental de H.L.M. Il en
résulte ainsi la construction de 50 appartements locatifs (Franchepré-
Clémenceau) en 1962 ; de deux immeubles à Haropré
(60 appartements) -dont un en accession à la propriété
en 1966/67- . Ces immeubles sont rejoints par un 3ème (40 logements)
en 1975. Enfin, en corrélation avec la décrue démographique,
la construction d'un petit immeuble de 14 appartements, rue Eugène
Bastien, en 1976, clôt cette phase de développement du
locatif H.L.M.
Toutefois, signe des temps et de l'allongement de la durée de
la vie, au cours de cette même période, les réalisations
municipales s'orientent également, vers le logement des personnes
âgées : construction de deux résidences en partenariat
avec l'Office des H.L.M.( Jean Moulin (69 appartements) en 1967/68 et
Maurice Peltier (73 appartements) en 1976.

Crises et mutations
: les projets n'aboutissent plus
A partir de 1968,
l'usine de Juf arrête progressivement son activité.
Pour des raisons d'emploi, un nombre conséquent de Joviciens
s'exile vers le sillon mosellan ou vers Fos-s/ mer. Les installations
anciennes s'effacent rapidement du paysage .
Au milieu des années soixante-dix, cette conjoncture défavorable
met un frein à la construction. Pourtant, en 1976, alors que
l'on recense 200 logements vides- essentiellement dans l'habitat ancien
-, près de 500 demandes non satisfaites sont en attente en mairie.
Dès cette époque, la ville de Juf ne voit jamais
sa candidature retenue dans les programmes de l'Office public de H.L.M.,
particulièrement actif sur Nancy.
Toujours en cette période cruciale 1976/1977, le projet d'un
important lotissement de Juf-les-Hauts (aux lieux-dits Bois Domange
et Bois des Clanches) ne dépasse jamais le stade du premier projet
de POS, élaboré en 1975 et suivi d'une étude non
menée à son terme par la commission des travaux. Juf
-les-Hauts reste dans les cartons du maire élu en 1971 et ne
réapparaîtra plus, tandis que la couleur politique de la
municipalité bascule radicalement, en 1977.

Enfin, au cours
de cette même période, la structure patrimoniale de l'habitat
change ! A partir de 1974, la Société Immobilière
thionvilloise (future Batigère) commence à vendre les
logements hérités du patrimoine sidérurgique -
et, d'abord, ceux qui sont les plus difficiles à valoriser au
point de vue locatif -. Mais là encore, les listes d'attente
sont longues, surtout au cours des 3 premières années.
Cette cession progressive des anciennes cités et des logements
de cadres se poursuit au cours des années quatre-vingt. Accéléré
par la baisse démographique (10649 habitants en 1975, 9095 h.
en 1982), ce processus contribue inévitablement au vieillissement
de la population. Quant aux jeunes ménages tentés par
l'accession à la propriété et la construction d'une
maison individuelle, comme des "lotissements joviciens"
ne sont plus à l'ordre du jour, ils finissent par se bâtir
un toit dans des communes voisines (Montois, Moineville, Valleroy) qui,
disposant de réserves foncières importantes, multiplient
les créations de lotissements.
Le tournant du
siècle : un nouveau départ
Suite aux restructurations
sidérurgiques, à présent décidées
au niveau européen, la décennie quatre-vingt enregistre
la poursuite du démantèlement de l'usine de Juf.
Le train-fil est arrêté en 1984, puis, condamnant du même
coup l'activité de l'agglomération, les deux fourneaux
géants (J1 et J2) s'éteignent respectivement en décembre
1988 et novembre 1989. Il ne faut pas 5 années pour que leurs
hautes silhouettes s'écroulent sous les charges de dynamite et
que les soubassements en béton soient recouverts de terre et
de verdure. Après la jonction des mines de Juf et Moyeuvre,
l'exploitation minière cesse définitivement en 1994. A
l'emplacement du carreau du Grand Fond, plus aucun vestige ne témoigne
de l'activité des "Gueules jaunes". La vallée
de l'Orne vit à l'heure des friches industrielles. La majeure
partie de la population active doit à présent travailler
à l'extérieur de la commune.

Jusqu'en 2003, seul le Pôle tube perpétue l'activité
sidérurgique, qui a animé le site de Franchepré
pendant plus d'un siècle. Et, en charge de certaines structures
conçues pour une population de 15000 âmes, la commune doit
faire face à une sévère accentuation de la décrue
démographique : 7875 habitants en 1990, 7465 à l'aube
du nouveau siècle. En juin 1995, la démolition de l'ancienne
Cantine des Ouvriers représente, sans doute, le symbole d'une
volonté de tourner la page ! La construction en 1997/98 de deux
immeubles H.L.M. sur le même site marque, à coup sûr,
la détermination d'en écrire de nouvelles !
Or, depuis 1998, un obstacle supplémentaire se dresse face aux
courageuses entreprises des élus et de la population. L'existence
de risques miniers entrave les initiatives de reconversion et de redéploiement
foncier. Pour autant, c'est un nouveau défi qui est proposé
à ceux qui président aux destinées de la collectivité.
S'appuyant sur le précieux héritage que représentent
la conscience de ses racines ainsi que sur la richesse et l'originalité
du patrimoine né de l'épopée industrielle, il leur
appartient de bâtir un avenir à travers de nouvelles activités
et de nouvelles solidarités, de créer des structures adaptées
au temps d'aujourd'hui et de tisser de nouveaux liens sociaux. Cette
mutation impérieuse est d'ailleurs bien amorcée à
la Croix de Franchepré et sur l'autre rive de l'Orne là
où "tout" avait commencé ! En effet,
deux vestiges de l'activité sidérurgique, la Conciergerie
des Forges et les Grands Bureaux connaissent entre 1999 et 2001 une
véritable cure de jouvence ! La réhabilitation architecturale
et les nouvelles missions dévolues aux deux édifices -respectivement
Médiathèque municipale et Creuset et lieu économique(Centre
des Entreprises) - symbolisent tout à fait le lien indissociable
qui relie notre passé et le patrimoine qu'il nous lègue,
à un futur dont la construction passe par des reconversions économique
et humaine réussies.
Déjà,
à la Croix de Franchepré, le 22 février 2002, a
été posée la première pierre d'un nouvel
ensemble immobilier sous l'égide de l'OPAC de Meurthe-et-Moselle.
Il est possible de construire autrement ! Un demi-siècle après
les "Ma Villa", premières réalisations
de "lotisseurs collectifs" dans le bassin de Briey,
Juf innove avec une architecture "pilote et expérimentale",
adaptée aux problèmes nés de l'après-mine.
N'est-ce pas là un autre symbole fort qui pourrait enclencher
une inversion de la tendance démographique, un signe qui permet
de concevoir un redémarrage raisonné de l'urbanisme et
- pourquoi pas - préserver l'avenir en envisageant à nouveau
une salutaire conquête de Juf -les-Hauts.
Tandis que, nouveau coup du sort et de la mondialisation, de lourds
"nuages" s'amoncellent au-dessus des têtes de
la collectivité, avec l'arrêt d'Europipe et de l'un de
ses sous-traitants, quel avenir reste-t-il à construire sur le
territoire jovicien ? Alors que, bien reliées au réseau
SNCF, les anciennes halles du train-fil conservent encore une "chance
industrielle", comment imaginer qu'un industriel soit intéressé
par le site de Franchepré, enclavé au fond de la vallée
? Alors, si le sous-sol le permet, le secteur des anciennes Forges ne
constitue-t-il pas un lieu propice à un nouvel et dernier élan
urbain pour la commune ? Maison de retraite, lotissement sur les parcelles
joviciennes en contrebas de Brouchetière
Urbaniser le site
où tout a commencé : quel challenge pour l'avenir immédiat
! Et quelle rébellion contre les conséquences d'un passé
qui n'ont pas épargné une commune dont l'Histoire doit
aussi se conjuguer au futur !

Entrée
du creuset
Roger MARTINOIS
(février 2001 - avril 2003)
président du Cercle d'Histoire de Juf
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