Réponse question Jeu N°4

Portant sur l'identification d'un bâtiment, le sujet de cette question numéro 4 a inspiré bien plus de joueurs que le jeu précédent traitant de l'histoire municipale de la ville. Pour autant, inspiration et réflexion collégiales ne sont pas obligatoirement synonymes de perspicacité ! En démarrant sur les chapeaux de roues, y compris avant l'horaire autorisé par le règlement, plusieurs participants se sont fourvoyés entre les vitrines des magasins de modes ayant pignon sur rue à Franchepré, confondant les casquettes, canotiers et autre galures, proposés par la maison Delbac à l'enseigne "Aux Élégants", avec les capelines, bibis et chapeaux exposés dans les vitrines du magasin des "Modes Parisiennes" tenu par la famille WIEMANN au 38 rue de Franchepré depuis le début des années trente.

En août 1954, la famille WIEMANN pose sur le pas-de-porte du magasin sis au 38 rue de Franchepré.

Comme nous tenons à le faire pour chaque jeu, cette réponse permet de résumer l'historique d'un bâtiment plusieurs fois modifié en un siècle d'existence et destiné à disparaître définitivement au cours de l'année 2013. La façade actuelle de cette adresse, 38 rue de Franchepré, où était implanté le magasin de meubles "Action", occupe en fait l'emplacement de deux immeubles édifiés à la fin du XIXe siècle. Sur le modèle architectural très simple d'immeuble à un étage avec combles pourvus de petites baies rectangulaires (que l'on trouve encore sur certaines maisons voisines), au lieu-dit "Au Sâ" en bordure de la route départementale n°11, Hubert BAUER, chaudronnier aux Forges de Jœuf, fait construire successivement deux bâtiments en 1891 et 1899.
En mai 1901, afin de faciliter le travail des postiers, lorsque le conseil municipal décide de dénommer officiellement les rues de la commune et d'attribuer des numéros aux bâtiments, les immeubles Bauer reçoivent respectivement les adresses 38 et 40 rue de Franchepré. La famille BAUER occupe le numéro 38 et loue les logements aménagés dans le bâtiment contigu, plus petit. Ce secteur de la rue de Franchepré ne semble pas avoir intéressé les éditeurs de cartes postales entre 1900 et 1914. Il faut attendre la Grande Guerre et l'occupation allemande de la ville pour disposer d'un aperçu de la physionomie des bâtiments.

Vue de la rue de Franchepré en juillet 1917. Cliché allemand réalisé au niveau du numéro 46. Un central téléphonique militaire a été installé dans les immeubles Bauer.

Vue des immeubles Bauer en mai 1915, avec sur la gauche l'entrée du numéro 40.

Gros plan du numéro 38 des époux BAUER, transformé en Fernsprechstation par les militaires allemands de l'Aferna 14 en avril 1917. Sur le linteau au dessus de la porte on distingue le millésime de la construction 1891.

Après la guerre, occupant seulement l'immeuble numéro 40, la Veuve BAUER loue l'immeuble voisin dans lequel on retrouve la famille d'Émile WIEMANN, négociant en confection (recensement de 1926). Cinq années plus tard, alors que la veuve BAUER décède en février 1930, comme en atteste le recensement d'avril 1931, le magasin de modiste de la famille WIEMANN occupe le numéro 38. L'immeuble numéro 40 n'existe plus pour le recenseur et il faut en déduire que les commerçants ont acquis et occupent désormais l'ensemble de l'ancienne propriété Bauer.
C'est à cette époque que les époux WIEMANN modifient la façade de l'immeuble, créant deux larges vitrines et aménageant un sas dans l'entrée du magasin. La modification de l'ancien numéro 40 intervient sans doute elle aussi en ce début d'année trente. Au rez-de-chaussée, une porte de garage à doubles battants remplace alors la fenêtre et l'entrée piétonne d'origine.

Août 1954, Mlle Denise WIEMANN pose seule sur le perron du magasin. Elle est alors âgée de 49 ans.

Ce second cliché nous donne l'opportunité de répondre à la question subsidiaire de ce jeu. Encadrant Denise, née à Jœuf en 1905, posent sa maman, Joséphine KREBS, épouse WIEMANN née à Walbach (Alsace) en 1878, et sa tante, Marie KREBS, née dans la même commune haut-rhinoise en 1888.

Extrait du dénombrement quinquennal de 1936, mentionnant l'année de naissance des personnes recensées. En 1954, les trois dames posant devant le magasin des "Modes Parisiennes" sont donc respectivement âgées de 76, 49 et 66 ans. Le total à trouver pour les trois commerçantes était donc de 191 ans.

Il est temps d'achever cette histoire des immeubles Bauer-Wiemann au cours du XXe siècle Les deux sœurs KREBS décèdent respectivement en 1960 et 1971. Dans les années 60, en regardant à travers les larges vitrines, les promeneurs de Franchepré pouvaient voir que le magasin des modistes était le plus souvent désert. Denise disparaît à son tour en mars 1974 après avoir vendu l'immeuble l'année précédente. Jusqu'à la cession à M. Gilbert GÉNOT, depuis les modifications des années trente, l'aspect des deux bâtiments fusionnés était demeuré inchangé.

Extrait du plan, présentant l'état des immeubles 38-40 rue de Franchepré en février 1973.

Après l'acquisition des bâtiments, M. Gilbert GÉNOT, patron de la S.A. MEGG, entreprend d'y effectuer d'importantes transformations et extensions pour établir un vaste magasin de "Meubles-Ménager-Télévision". La façade doit alors notablement changer de physionomie. Les premiers plans accompagnant la demande de permis de construire montrent que, outre quelques changements de détail dans la façade principale, une dernière innovation réside dans l'intitulé du magasin.

Vue de la façade principale prévue en février 1973 par le Cabinet "E. Berthol, technicien décorateur" pour l'immeuble sis au 38-40 rue de Franchepré. Au final, en lieu et place de la dénomination "GENOT home diffusion", le magasin ouvre en 1974 sous l'enseigne "Meubles Action".

Logo figurant sur le papier à entête du nouveau magasin

 

Trois participants ont bien situé l'emplacement du magasin Wiemann, effacé du paysage de Franchepré après l'installation des "meubles Action". Un joueur, par galanterie( ?), a renoncé à donner un âge aux dames figurant sur le cliché : il recevra un lot de consolation. Les deux gagnants, dont l'incontournable et redoutable Francis GUELFF, ont également été très courtois dans leurs évaluations... assez éloignées de la réponse exacte. Finalement, pourrait-on dire qu'à Jœuf, lorsqu'elles exercent dans le domaine de la mode, les femmes conservent une silhouette et un visage particulièrement jeunes ?

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® C.P.H.J. - Mars 2013