Pour
la première fois depuis 1910, mises à part les périodes
troublées des deux guerres, la population de Juf
est tombée sous dix mille âmes. Les chiffres du dernier
recensement de 1982 ne sont en fait que le prolongement d'une tendance
amorcée depuis une quinzaine d'année : 12591 habitants
en 1962 ; 12274 en 1968 ; 11000 environ en 1975 et 9013 en 1982. Après
un point culminant à 13000 habitants vers 1960, date qui marque
l'achèvement des dernières grandes constructions de lotissements
sur le territoire communal et qui coïncide avec l'ultime vague
d'immigrants, cette chute nous ramène au niveau du début
du siècle.
La baisse régulière est bien
évidemment la conséquence de la forte réduction
des activités sidérurgiques, voire de l'arrêt total
comme à Homécourt et à Auboué. L'hémorragie
d'une population jeune, complétée par la baisse de natalité
générale en France dans les années qui ont suivi
les premières fermetures, a ouvert une brèche sérieuse
dans les classes d'âge actives. Cependant l'attrait de la ville
sur la région environnante, grâce à ses services
et son activité commerciale, a certainement atténué
un dépeuplement qui apparaît plus prononcé dans
les communes voisines confrontées aux mêmes problèmes.
A l'époque où disparaissent
les activités qui ont présidé à la croissance
de la commune, au moment où il apparaît vital d'enrayer
la dépopulation, 1982 -l'année du recensement- a marqué
un anniversaire particulier dans l'existence de la cité. Comment
ne pas songer, à cette occasion, à la "belle époque"
où la population s'accroissait de jour en jour ! 1982 est aussi
le centenaire de la mise à feu du premier haut fourneau à
Juf
et le début de l'essor industriel.
Les années 1880-1914 ont vu la naissance
et la croissance de la ville, inextricablement liée à
son usine. Quarante années transforment un petit village d'une
trentaine de maisons en une cité grouillante de 10000 habitants,
véritable Tour de Babel où se côtoient quasiment
toutes les nationalités européennes.
C'est l'extension progressive de la ville
que nous essyons de suivre à travers ces pages, dans lesquelles
il sera également fait allusion aux responsables communaux. Ils
étaient aux premières loges pour diriger, autant que pour
subir, cette transformation. Nous verrons qu'ils s'adaptent aux événements
plus qu'ils ne les provoquent. Peut-être certaines explications
seront-elles jugées un peu fastidieuses ou trop détaillées
: nous avons voulu montrer la progression, au fil des années,
des diverses réalisations. En fait, hier comme aujourd'hui, il
se passe du temps entre l'idée... et son aboutissement.
La ville actuelle - son plan, ses rues,
ses édifices - est le résultat d'une expansion rapide
et désordonnée. Le paysage reste encore très marqué
pour un promeneur attentif, mais disparaît progressivement au
fur et à mesure des travaux d'urbanisme, des transformations
d'immeubles et des démolitions.
Pour accompagner ce texte, la carte postale
s'imposait de façon évidente. Née à la fin
du XIXe siècle, elle connaît véritablement un "âge
d'or" de 1900 à 1914, coïncidant heureusement avec
la fin de la période étudiée. Les cartes anciennes
constituent le plus beau recueil d'images et le meilleur témoin
pour illustrer le récit de ces années exceptionnelles.
A Juf,
la situation
frontalière avec l'Allemagne, l'existence de l'industrie sidérurgique
et les modifications incessantes du paysage incitèrent de nombreux
éditeurs à réaliser une grande quantité
de clichés. Des photos de famille bien situées, traitées
en "carte-photos" viennent enrichir ce fonds déjà
important. Il en reste sûrement à découvrir ! Ces
images, moyen privilégié de correspondance, expédiées
dans tout le pays et même à l'étranger sont parfois
agrémentées d'une "littérature"
qui leur confère en outre une valeur de documents historiques.
Trouver
un équilibre entre le texte et les photographies, respecter la
chronologie des événements en montrant le plus de vues
possibles a constitué un exercice délicat. Nous espérons
satisfaire les Joviciens en leur contant une page primordiale de l'histoire
de leur commune et intéresser les autres lecteurs avec ce catalogue
choisi de cartes postales anciennes.